Bonjour,
comme tout le monde s’improvise virologue, économiste et je ne sais quoi…pourquoi ne pas essayer de me transformer ici , en Madame Irma du voyage en ligne? Si ca peut aider certains professionnels à se projeter, je me lance dans la prospective avec un sens très pif-o-métrique assumé!
Aie, ca pique!
On l’a dit, redit, re-redit à tous les niveaux jusqu’au sommet de l’état, et tout le monde s’en doute, le secteur du voyage va mal, voire même très très mal en ce moment. Mais mal à quel point?
Au moins, et nous n’y échappons, 65% de baisse des recherches et intentions de voyage sur les 30 derniers jours (que le veinard qui n’a pas cela lève la main!) pour un grand nombre d’acteurs du voyage que nous côtoyons, parfois jusqu’à 100% de baisse pour les réservations lorsque l’activité est à l’arrêt. Sachez que bien souvent, avoir le CA en berne ne signifie pas réduire la voile et se mettre en retrait en attendant que l’orage passe dans le tourisme en ligne; ainsi, il n’est pas rare que chez les équipes des voyagistes qui ne peuvent se mettre en totale roue libre à coup de chômage partiel, les veinards qui ne chôment pas auront plutôt le loisirs de gérer les rapatriements difficiles et les appels de touristes en colère pour annulations en tous genres, tout un programme, et lorsque leur journée sera presque finie, ils devront batailler avec leurs fournisseurs… pas sur qu’on leur donne une petite médaille pour bons et loyaux services à la fin du stage!
Et je ne vous parle pas en long, en large, et en travers de l’ampleur et de la violence du tsunami des annulations en cours chez les voyagistes et autres professionnels du tourisme, dont une partie mettra qui plus est la clef sous la porte après la bataille, faute de trésor de guerre suffisant.
Nous partîmes cinq cents et par un prompt renfort…
Chacun y va de son forecast à la petite semaine (et je n’y échappe pas) : j’ai vu des estimations plus ou moins alarmistes entre 10 et 50% de défaillances si cela dure quelques mois dans certains secteurs du travel, la trésorerie globale de la société fera défaillance chez les gros et les petits. En ces temps de guerrilla (la guerre aurait sans doute plus de règles), je pense beaucoup aux PMEs du tourisme et aussi à la situation personnelle du professionnel libéral qui ne pourra plus assumer son business avec, peut être s’il a de la chance, 2 x 1.500€ brut de subvention étatique, certes déjà généreuse. Et oui, souvent pour les petites exploitations le gérant n’a droit à pas grand chose quand la bise fut venue s’il n’est pas salarié mais TNS….et se trouvera fort dépourvu!
Certes, les reports de charges et autres décalages de dépenses c’est bien, ca allège la trésorerie pour un temps, pas payer ses fournisseurs (non, vous n’aurez pas les noms) ça c’est pas bien mais ça dure pas heureusement, emprunter sans garantie ou presque ça peut être une aubaine ou un risque énorme…. mais in fine, cela ne fait pas du financement structurel. La saison est en partie foutue pour bon nombre de pros du tourisme, disons le clairement, avec un manque à gagner notable qui aura du mal à être recouvert dans les futurs exercices pour couvrir les charges fixes et autres dépenses en tous genres.
Au royaume des start-up, il ne fait peut-être plus bon tenter de grignoter sa part du gâteau dans le tourisme? Il se peut même que l’on arrête de déshabiller Jacques pour habiller Paul (je pense à des ubérisations sauvages ou autres ré-intermédiations un peu trop malines) et quelques start-up auront un soucis de (re-)financement, probablement.
En bref, la situation est catastrophique, personne n’est épargné ou presque et pour la plupart si cela dure encore plus le risque est globalement fort.
Les effets collatéraux, parlons en!
La tension financière ne faisant que rarement ressortir le meilleur de chacun, rares sont les initiatives bienveillantes et solidaires.
Je vous passe les coups parfois tordus sous la ceinture des professionnels du tourisme entre eux et des relations clients-fournisseurs-partenaires un poil pourries, les retenues abusives de trésorerie pour garder au chaud son trésor de guerre même si c’est l’argent des autres!
Non, les relations clients-fournisseurs ne sont pas au beau fixe, voire même un peu tendues et nous avons quelques perles ici sous le coude!
La terre tourne, rien ne va plus, rien ne va plus…
Quelles tendances pour cet été?
Avec 9 millions de voyageurs par an chez cityzeum.com, nous estimons voir passer généralement environ 10% des voyageurs à un moment (ou à un autre!) dans l’année, et près de 25% des français qui partent à l’étranger (240 millions d’affichages de résultats dans les résultats de recherche google par an, ça en fait des intentions de départ….), lorsqu’ils recherchent des infos sur les destinations et qu’ils sont à deux doigts de réserver.
Avec ce positionnement depuis des années un peu en amont de la décision du voyage (certes pour une part modeste du travel online), nous nous intéressons tout particulièrement aux tendances de recherche, et tentons de conjecturer sur ce qui pourrait se passer dans les prochains mois…
Bon, cette courbe de tendance parle d’elle-même…là on vois sans zoom un Waterloo morne pleine qui se profile, un aggravement de la situation au début du confinement…et une légère juste pré confinement qui n’avait rien de dramatique. La faute donc au confinement dirons nous avec quelques raccourcis!
La question à 100 balles qui fâche
La question (enfin pour être plus précis la réponse) qui intéresse tous les professionnels du tourisme : aurons nous un été pour re-remplir les caisses et se refaire une tréso, voire ne pas mettre la clef sous la porte? ou faudra t il attendre 2021 en serrant les fesses à défaut de se serrer les coudes.
Si la requête est légitime et simple, la réponse en est tout autant complexe, nombreux facteurs sont à prendre en compte. J’en retiendrais trois:
1 – Quelles dates de dé-confinement?
Il faudra dans toute conjecture bien évidemment prendre en compte la date de sortie officielle du tunnel : la date de dé-confinement annoncée en France pour les français au 11 mai 2020, mais aussi et surtout celle ultérieure non encore fixée pour que les professionnels du tourisme puissent ouvrir en France (ou ailleurs), car sans commerces, sans marchés, sans hôtels, sans musées, sans touristes suant sous leur casquette à une terrasse, sans bars de plage…le voyage devient vite fadasse, autant aller en vacances chez pépé!
Of course, et en toute lucidité on ne peut que le suggérer très fortement, il y a un risque de décalage de cette date (enfin un report sine die vous voyez le genre!) et la vraie date de démarrage du plan B sera la date de dé-confinement réelle si ajustement ultérieur il y a et que tout ne se passe pas comme prévu par nos chers organisateurs visionnaires (nous ne polémiquerons ni sur les masques, ni sur les tests,….mais nous n’en pensons pas moins, et ne sommes pas à l’abris d’un décalage de date pour pénurie de protections au sortir de ce 11 mai).
Par ailleurs, les dates de dé-confinement des états touristiques amis proches qui accueillent nombre de nos voyageur sont aussi à surveiller de près, pour deux raisons: les dizaines de millions de touristes étrangers se massant dans nos campagnes et sur nos côtes chaque année, et le niveau de confiance suffisant et de ré-assurance pour que les français partent en Italie, Espagne ou autres….
Au passage, vus les nombreux étrangers qui viennent traditionnellement en France en été, et qui ne viendront pas….ca va être tendu pour les professionnels du tourisme et de l’hébergement en France cet été.
2- L’état des caisses des français :
Là dessus, je serais un peu plus optimiste, pour le moment. Le pouvoir d’achat des français sera sans doute affaibli même si le niveau de dépenses en confinement est souvent moindre. Nombre d’employeurs ne maintiendront pas forcement le niveau de salaire (à 84% ou 100% si complément) sur plusieurs mois si cela dure, et commencent déjà à rogner sur les dépenses, la majoration des heures sup, les congés forcés, et envisager des licenciements…. La comptabilisation, le cumul, le paiement ou le report des congés pour maintenir une activité économique, sont autant d’incertitudes également sur les bas de laines, s’il y en avait avant le Corona.
Good news : toutes les analyses ou presque de la crise de la fin des années 2000 montraient que le budget vacances des français était parmi les derniers scrappés, les vacances étant prioritaires…(ca ne voulait pas dire qu’ils allaient autant au restau ou s’adonnaient à des activités, mais ils partaient). Là on se trouve dans une configuration un peu plus complexe….et même madame Irma y perdrait son latin.
3- L’indice de confiance en l’avenir des voyageurs.
Pour que la machine tourne, il faut de la confiance. Rien de pire que de louper son voyage (ou pire comme on le voit en ce moment, de rester confiné entre deux aéroports, ou d’attendre un rapatriement d’urgence). J’aime toujours à dire que les plus gros sites de voyage au monde ont fait leur succès de la réassurance. Le marketing de la peur dans le travel a encore de beaux restes et de beaux jours devant lui, le marketing de l’envie quant à lui, reste, selon moi, toujours trop peu valorisé.
Bref, il y avait des pays à risques sanitaires (entendez Covid) avant le confinement total des français, mais le moral semblait à peu près bon, le niveau de recherches était quasi identique à l’année passée début mars (cf courbes ci-dessus), tout le monde s’en foutait ou presque. Quelques jours avant l’annonce du confinement (fuites en tous genres sur les réseaux sociaux issue du copain de la cousine du voisin du directeur de cabinet de Mr Machin), les intentions de départ et recherches ont chuté de 30 à 40% en un week-end. 1er badaboum, mais rien de bien grave.
La où tout bascule : l’annonce du confinement par Mr le Président et son impact psychologique indéniable a fait passer immédiatement la chute à -80% versus le niveau de l’année passée. Passons sur la petite phrase assassines mais réaliste du ministre des transports qui a déconseillé il y a peu aux français de préparer leurs vacances!
Depuis, la remontée de la pente est faible, très faible, quelques recherches de voyages par ci par là s’effectuent, mais rien de bien transcendant. Les français ne préparent pas leurs vacances et on les comprend bien, même si sur internet, on trouve des vacances parfois à prix indécents, bref passons.
Tant que les français n’auront pas l’assurance de sortir, et je dirais même plus directement d’être physiquement sortis du tunnel, rien ne se passera selon moi, donc je prédis qu’au max, juste avant la date théorique du dé-confinement, 10% à 20% de français n’ayant pas encore réservé commencera à rechercher ses vacances si on a de la chance, et probablement à 80% vers la France. Ca va pas reprendre à toute berzingue.
Puis progressivement, si tout se passe bien, ils commenceront à se projeter, à se dire qu’il ne vont pas réserver pour rien, qu’ils pourront voyager…tout un programme! Cela ressemblera plus à un marathon qu’à un sprint.
Bref vous l’aurez compris, le niveau de confiance des français quant à l’organisation de leur prochaine escapade n’est pas au beau fixe.
France is bioutiful?
Pourquoi tout le monde ou presque va rester en France? Non pas parce que les pros, à juste titre sans doute, matraquent cela sur les réseaux sociaux et en appellent à la solidarité, mais partir à l’étranger relève de la croisade et amène encore trop de questions de confiance, les fuites dans la presse sur les quelques voyagistes qui ne remboursent pas les annulations ont marqué les esprits durablement (et on a tous un pote qui se bat actuellement avec un hôtel ou une compagnie aérienne pour annuler), la peur du confinement en avion / aéroport où toutes les nationalités se croisent doublée d’une capacité aérienne qui ne va pas être au rendez-vous nombreux avions resteront au sol, des prix élevés dus à tout cela, des pays qui ferment leurs frontières….bref, je prédis sans grand doute et comme beaucoup de mes collègues que les français vont probablement rester en France majoritairement, si départ en vacances il y a.
Ca va en faire du monde dites-moi rien qu’en France!
NB: Les seniors attendront encore plus longtemps pour réserver, tous ne sont pas garantis de pouvoir se déplacer, donc l’arrière-saison va aussi morfler!
Mais alors c’est quand qu’on redémarre?
Disons-le clairement, on a un problème d’agenda pour la party de cet été, ….dans le meilleur des cas! Le soucis est qu’en y regardant d’un peu plus près sur le planning, ca coince quelque part, y a Sergio qui n’a pas réfléchi à tout avant d’organiser la grande fête!
Si l’on part d’une sortie de confinement au 11 mai 2020, qu’on y ajoute quelques jours pour re-organiser la logistique familiale et professionnelle (si si ca va s’organiser super vite croyez-moi aveuglement, beaucoup de parents vont sortir de confinement avec le sourire pour laisser les mouflets à l’école et reprendre leur super boulot parce qu’ils en auront aussi marre des confs sur Zoom), ….. allez, disons, nous arrivons au 20 mai pour commencer à y voir clair et ré-ouvrir les écoutilles, dans le meilleur des cas.
Par la suite pour regagner en confiance, payer la douloureuse sans avoir l’impression de partir en expédition survivaliste au fin fond de la jungle, il faudra probablement un bon mois de plus à minima pour avoir tellement de bonnes nouvelles dans la presse, que l’on gommera l’impact disons en toute bienveillance sacrément négatif des fake news et des sur-informations anxiogènes des media sensationnalistes qui se gavent d’audience sur le covid,…et pouvoir sortir sa carte bleue en toute confiance pour oser réserver en ligne (après chose n’est pas coutume, avoir lu la page « annulation de votre voyage » sur le site dudit voyagiste), on arrive tranquille au 20 juin. Là encore, c’est pas le bon moment, et ca va se bousculer dans les ménages avec la fin de l’année scolaire pour les familles, si elle a lieu.
Ajoutons à 10 jours a minima de recherches pour réserver (si avant on était à 40 sites consultés pour préparer son voyage, il y a peu de raisons qu’on en consulte désormais moins de 30, y a surement des sacré-bonnes affaires à faire!), on arrive, dans le meilleur des cas à un pic de recherches / réservations au 1 juillet! C’est un poil plus tard que d’habitude, je vous l’accorde.
Je ne pense pas que les français réservent pour partir en juillet dans la foulée même si c’est pas l’envie qui manque (encore trop de trouilles justifiées il y aura à cette époque, de l’enflure sur les prix il y aura et il y a l’autre qu’a dit qu’il ne savait pas si on pouvait choper le covid une deuxième fois….), tout le monde va probablement attendre août pour partir (septembre ils oseront pas, la rentrée faut pas la louper,les gamins sont déjà pas allés beaucoup à l’école sommes toutes)….alors que dans les années folles les retardataires de vacanciers réservant en juillet pour août ne concernait qu’une tendance, là il se peut que ça rue dans les brancards!
Mais cela c’est sans compter ce qui va se passer sur les prix pratiqués en France en août, qui risquent d’être chers! Oui, le petit cabanon avec vue sur la route en arrière pays de St Trop à 800 mètres de la plage vaudra plus cher que la villa avec piscine en Toscane, je vous le dis moi. Même s’il y a trois fois moins d’étrangers et de facto un peu moins de tension en théorie et que bon nombre de français vont partir en famille (raisons budgétaires, pas de risque d’annulation, faire de la compagnie à mémé qui va rester confinée jusqu’à Noel…), les caisses vont devoir se remplir, sinon c’est « allez directement en faillite sans passer par la case départ et sans toucher 20.000 francs ». Découragées, pas mal de personnes affaiblies financièrement par cette crise, risquent de ne pas pouvoir se payer de vacances en août, et devront assurer la rentrée scolaire….bref le pic va peut-être s’écrêter de lui même
Un pic, que dis-je une montagne!
Dans le scenario optimiste, si nos dirigeants arrêtent de matraquer (certes à juste titre) qu’il ne faut pas partir en vacances….
Quand je parle de pic début juillet, dans le meilleur des cas, à quoi ca peut ressembler? En nous basant sur nos chiffres de manque d’audience sur la période versus les années précédentes et en ajustant un peu le planning, je dirais au doigt mouillé que grosso modo cela aura pourri 2.5 mois de recherche de vacances a minima. Si l’on considère que tout le monde qui n a pas encore réservé recherche début juillet, il n’est pas impossible d’observer un doublement des recherches concentrés sur 15 juin-15 juillet, mais pas plus qu’un doublement (certains ont déjà réservé, d’autres ne réserveront rien, d’autres resteront sceptiques et attendront quelques mois…). Et si tout le monde veut réserver pour partir en France sur le seul mois d aout, je vous laisse imaginer la problématique de remplissage qu’il va y avoir. Va falloir l’écrêter la courbe, moi je vous le dis!
Il a pas répondu à la question le môsieur?
Je vais répondre à la question initiale, en bon (demi-)normand : euh, c’était mieux avant?
NB : et by the way, mes propos n’engagent que moi
julien Laz
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