Interview de Jérémie Hountondji de Naéfood, innovation végétale

Qui es-tu, quel est ton parcours, ta formation?

Je m’appelle Jérémie. J’ai travaillé une dizaine d’années dans la gestion d’actifs après un Master en école de commerce (spécialité finance). À la suite de problèmes de santé, j’ai fait le choix d’une autre vie. J’ai donc décidé de fonder une société dans l’alimentation après une formation dans l’ESS à l’université Paris-Dauphine.

Que fait ta société? Que vends-tu?

Nous avons commencé par la distribution de boissons, notamment à l’hibiscus. La commercialisation a réellement débuté cet été, grâce à un premier grossiste. En parallèle, nous travaillons au développement d’un dessert végétal sans texturant et sans ajout de gélifiant. C’est le procédé de fabrication que nous avons mis au point qui fait tout le travail. Le produit est également sans gluten et les résidus peuvent servir à la fabrication de farine. C’est inédit (oui) et c’est une alternative éco-responsable au soja et à la noix de coco…

Ton site web

http://www.naefood.com

Quelle est ton innovation? En quoi apportes-tu quelque chose de nouveau sur le marché?

Sur le dessert végétal : L’innovation est double : recette + procédé de fabrication brevetable. Par ailleurs, la drêche servira à la production d’une farine sans gluten. Le végétal est ainsi valorisé à 100 %. Si l’on voit plus large, cela peut même donner lieu à la naissance d’une filière agricole française sans gluten, zéro déchet et climato-résiliente. Notre démarche s’inscrit aussi dans une logique différente. Les acteurs de la filière agro travaillent souvent en silo. Les transformateurs maîtrisent très bien les filières d’approvisionnement, mais ignorent parfois les contraintes liées au cycle végétal (les saisons, les conditions de culture, etc…). Je pense par ailleurs que nous sous-estimons l’impact du réchauffement climatique sur les rendements agricoles. À notre petite échelle (le colibri), nous souhaitons intégrer ces problématiques en proposant une démarche en 3 temps :

• Sélection de végétaux nutritifs et cultivables dans un contexte de changement climatique

• Valorisation « clean » par la création de produits sans additifs

• Surcyclage des résidus

Quels sont tes clients / persona, quel est leur besoin, le pain point auquel tu t’adresses? Ton marché?

Nous nous adressons aux « gastronomes -paysans » à distinguer du « Bo-Bo » qui a le pouvoir d’achat, mais pas toujours le palais. Plus sérieusement, nos clients sont : Les CHRS, épiceries fines, et magasins spécialisés cherchant à diversifier leur offre produits. Nous avons récemment créé le Monaco Floral pour les CHRs. C’est en fait un substitut naturel et bio au Monaco sirop.

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As tu reçu des financements? en recherche de fonds? en auto-financement?

Beaucoup d’autofinancement, mais également deux prêts d’honneur (Initiative Terres de Vaucluse, Réseau Entreprendre) et une subvention de la BPI. Nous sommes également en recherche de fonds.

Sur quels leviers t’appuies tu pour ta croissance?

La vente directe : Nous ne sommes pas encore dans le viseur des grands distributeurs. Plutôt que de rester dans l’attente de leur grâce, nous pensons gérer en direct la clientèle CHR en particulier. Nous allons commencer par les grandes villes et démarrer un démarchage de terrain. Les livraisons se feront par cyclodistribution comme nous l’avons déjà mis en place en Avignon. Les clients peuvent ainsi être livrés en deux heures. Cela nous permettra de récupérer plus de marge tout en réduisant les frais d’expédition. En effet, nous n’expédierons que des palettes et le dispatche se fera en local. Les co-produits avec d’autres TPE. Cela permet de mutualiser à la fois le risque et les coûts et de générer de nouvelles opportunités de croissance. La création de cocktails associant différentes sociétés est un exemple (Monaco Floral, Cosmo Fleur, etc.) C’est le modèle en banc de poissons, plus agile, plus créatif.

Que recherches-tu en ce moment?

Je recherche un associé pour m’aider sur l’aspect développement commercial ainsi que des financements pour faire sortir notre dessert végétal du labo.

Quels sont tes objectifs à 3 ans?

Couvrir le marché français et aussi disposer d’un laboratoire comme le Nordic Food Lab, à la sauce française, afin de découvrir de nouvelles applications (durables et rentables) à des végétaux oubliés (je ne parle pas des tomates anciennes, du panais ou du rutabaga…). Nous voulons être une référence dans l’innovation végétale «  »sans complexité » ». Vous connaissez le sorgho ?

Quels sont tes plus gros succès et tes plus gros échecs en tant qu’entrepreneur?

Je pense que nous avons trop attendu avant d’entamer une démarche directe de distribution. Notre plus grand succès reste sans doute le jour où notre premier distributeur (justement) a choisi de doubler les quantités commandées en quelques semaines…

Un message à faire passer, un coup de gueule?

Il y a de quoi s’interroger sur la faiblesse des investissements dans l’agriculture. Ce qui s’achète aujourd’hui c’est une vision du monde de demain où les problèmes dont nous ne parlons pas seront réglés… Le boire et le manger en font clairement partie. Je retiens des physiocrates (école d’économie française) le rôle central de l’agriculture dans l’économie. Le réaffirmer aujourd’hui n’est pas un anachronisme. Toutefois, plutôt que de l’analyser uniquement sous l’angle du profit, il serait souhaitable d’en reconnaître la valeur vivrière et questionner l’ordre de nos priorités afin de préparer un avenir qui s’annonce exigeant. Le secteur agricole est en fait le seul à constituer à la fois un moyen de subsistance et une source de richesse, qu’attendons-nous pour y investir ? c’est étonnant ?

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Quels conseils donnerais tu à d’autres entrepreneurs pour activer leur croissance?

Le même que pour la gestion d’actifs : diversifier (distributeurs et produits) — gérer son risque (ne pas se planter sur son coût de revient) — être opportuniste (le marché a toujours raison, il faut savoir l’écouter)

Comment luttes-tu contre l’isolement de l’entrepreneur?

Le club des lauréats du Réseau Entreprendre permet justement de ne pas rester isolé. Je suis par ailleurs engagé dans des associations. Enfin, je cultive ma spiritualité (beaucoup de méditation) pour aborder les difficultés avec le sourire.

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